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Pourquoi les agents de Protection Rapprochée français ont-ils des difficultés à trouver des missions ?
Même si la protection rapprochée française a un bon niveau et même si les programmes des centres de formation sont cohérents et reconnus par un titre professionnel, il est indéniable que les agents français ont des difficultés à trouver des missions.
Convention collective
Le premier constat que l’on peut faire est que ce métier n’est pas reconnu officiellement par les acteurs de la sécurité privée. En effet, il n’apparait pas dans la convention collective. Les associations spécifiques doivent retrousser leurs manches et se concerter pour remédier à cette situation.
Exclusivité
Le second est l’ambiguïté entretenue par les entreprises de gardiennage qui prennent des missions en disant que ce ne sont que des missions d’accompagnement. Et hop ! le tour est joué. Et pourtant, les assurances confirmeront qu’il y a deux types de contrat : soit protection d’une personne, soit protection d’un site ou d’une entreprise même si, dans le second cas, on assure la protection des personnes. Ce n’est pas nominatif et exclusif comme dans le premier cas. Les clients qui sont, précisons-le, responsables également de ces « manœuvres », ne sont pas regardants et préfèrent payer moins cher.
Pour éviter ces malversations, il faut que l’exclusivité entre le gardiennage et la protection rapprochée cesse. Il faudra que les nouveaux textes précisent toutefois que les entreprises souhaitant étendre leurs activités à la protection physique de personnes le formuleront dans leur objet, auront les autorisations administratives spécifiques d’exercer, que leur personnel sera spécialisé et formé dans ce sens, qu’il sera titulaire de la carte professionnelle idoine et qu’elle-même, l’entreprise, sera assurée pour exercer cette activité supplémentaire. Simple, non ?
Port d’arme
Un troisième point relevé est le port d’armes. Le code de la sécurité intérieure est clair : « les agents de protection physique de personnes ne peuvent pas être armés ».
Tout le monde le sait et même si beaucoup se voilent la face, des agents étrangers interviennent, sur l’Hexagone, armés. Fin 2014, des contacts suisses m’ont appelé pour me transmettre des informations concernant une mission que j’aurais dû mettre en place. Il s’agissait de faire travailler quatre agents pendant trois ou quatre mois. Une seule contrainte, disposer d’agents armés !
Nous n’avons pas eu la mission. Le commissariat contacté a insisté sur le fait qu’aucun agent français ne pourrait être armé et que des agents étrangers le soient ne le concernait pas. En cherchant bien, ne serait-on pas dans le cadre de l’entrave à la liberté du travail et, pourquoi pas dans celui de la discrimination ?
Une solution, armer les agents de protection physique de personne comme on veut le faire pour les ASR (agents de sécurité renforcée). Armer des agents de sécurité privée n’est pas nouveau. Il y a un précédent : les Agents de la SUGE, par exemple.
J’ai présenté un projet à divers ministres de l’Intérieur et à M. Alain BAUER. Aucun retour ! Aucun intérêt ! Et pourtant, j’ai assuré la formation de plus de deux cents stagiaires avec un certain succès. Ça leur a ouvert les portes pour intégrer la Police, la Gendarmerie et même le GIGN pour l’un d’entre eux, les Armées et le privé en tant que convoyeurs de fonds. Il n’est pas question de former n’importe comment et n’importe qui. Je peux l’affirmer : « c’est possible ».
Niveau général des agents
Je pense que je ne vais pas faire plaisir. En effet, depuis 1994, j’interviens dans le secteur privé. J’ai vu beaucoup de stagiaires même si j’en ai eu peu par rapport à d’autres centres de formation.
Il y a le candidat qui rêve et celui qui garde les pieds sur terre. Le premier n’entend pas quand on lui parle de droit, de langues, de culture générale et de relations avec les clients. Lui ne voit que lui : sports de combat, tir et « look » adéquat : tatouage, crâne rasé, etc. Bien sûr, on peut être tatoué et avoir le crâne rasé, surtout si l’on est chauve. Mais ce n’est pas une obligation ! Il n’y a pas d’uniforme.
Le second lui, en général, réussit car son niveau lui permet de comprendre et de s’adapter aux exigences de ce métier. Il partage son temps judicieusement entre le tatami et la salle de cours. Il lit des ouvrages autres que les journaux sportifs ou spécialisés. Il s’intéresse à l’actualité et à la géopolitique. Il a accès à TOUTE l’information. De plus, il ne fait pas peur aux clients potentiels.
Une langue étrangère
Puisque j’aborde le niveau intellectuel, je me dois de parler d’un point essentiel qui empêche les agents français d’exercer : la méconnaissance d’une langue étrangère. En effet, il y a peu de missions. Elles sont ponctuelles, pendant l’été, sur Paris et sur la Côte. Entretemps, d’autres événements sont susceptibles d’offrir des emplois : Cannes, Rolland Garros, etc.
Aujourd’hui, les Chinois, les Indiens, les Allemands et beaucoup d’autres, parlent l’Anglais. Qu’on le veuille ou non, elle est devenue LA langue internationale. Beaucoup de clients et leurs représentants n’ont pas envie d’apprendre le français. Pour eux, c’est un confort de pouvoir être compris dans n’importe quel point du globe. De plus, l’Anglais n’est pas leur langue maternelle. Ils ont fait l’effort de l’apprendre, ils ne voient pas pourquoi d’autres ne le feraient pas. Ça leur évite les complications de traductions ou d’interprétations.
Il y a sans doute d’autres points à évoquer mais, pour moi, ceux-ci sont importants.
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Force de l’ordre et usage des armes
J'ai lu une chronique de Julien JAFFRET sur le Net intitulée « les brigades Gandhi ». Cet article, très austique, a le mérite de mettre en lumière une des hypocrisies de notre système.
En effet, l’auteur s’étonne que nos policiers ou nos gendarmes, armés, s’émeuvent de ce qu’on leur tire dessus. Je cite : « En attendant, ça canarde. Même nos chers petits flics n’en reviennent pas. De l’hôpital, ils exhibent leurs blessures et pleurnichent devant les TV. Ils nous tirent dessus ! On ne comprend pas. »
Il faut savoir que même si un policier ou un gendarme a le droit d’usage des armes ne serait-ce que pour se défendre, il n’est jamais entraîné pour se préparer à affronter une telle situation. Il va effectuer ses tirs réglementaires à 15m plus ou moins régulièrement et selon les services. Ce n’est pas toujours la priorité. De toute façon, ça dépendra aussi de lui, de son professionnalisme car, tout de même, une arme est avant tout un outil de travail. Il faut savoir l’utiliser. Ainsi, on peut constater que nombre de gendarmes ou de policiers sont membres de la Fédération Française de Tir Sportif. Ce qui ne résout rien, bien sûr, le problème n’étant pas là.
Malheureusement donc, même si l’agent ou le gendarme est un excellent tireur, pondéré, responsable, il hésitera toujours avant d’utiliser son arme. Car il n’est pas sûr que sa hiérarchie ou la justice le suivra même s’il a agi dans le cadre de la loi. Il y a des exemples. Un gendarme de province est amené à tirer sur un véhicule en fuite. Il agit conformément aux cas d’usages des armes de la gendarmerie. Il se retrouve en garde-à-vue. Suite à celle-ci, écœuré, il démissionne. D’autres, deux gendarmes appelés dans la nuit, suite au « casse » d’un débit de tabac, se retrouvent face à une BMW occupés par quatre individus. Ils constatent qu’au moins une arme est à bord. Le véhicule prend la fuite alors qu’ils auraient pu l’arrêter. Le lendemain, ils ont été félicités pour leur sangfroid et leur professionnalisme. On leur a demandé, tout de même, s’ils avaient besoin, d’un soutien psychologique. Ils auraient pu car ils se sentaient frustrés, voire ulcérés.
On accepte que la banlieue soit mise à feu et à sang dès qu’un délinquant ou un truand reçoit la monnaie de sa pièce. On ne dit rien quand des policiers ou des gendarmes sont assassinés et je ne parle pas de se faire tirer dessus. J’évoque bien des affaires qui se sont déroulées à Saint-Martin, il y a deux ans, où un gendarme a agonisé après avoir été heurté par un véhicule et que la foule n’a rien fait sinon tenir des propos racistes. J’évoque les policiers et les gendarmes de Toulouse et de Colomiers dont les véhicules ont été heurtés, dans les deux cas, par des chauffards à très grande vitesse et délibérément. La banlieue n’a pas brûlé.
La légitime défense de soi-même ou d’autrui est très difficile à enseigner et à appliquer parce qu’il n’y a pas réellement de tolérance zéro et d’impartialité. Dans notre société, on rechigne à punir le coupable.
Entre un délinquant et un honnête citoyen, aujourd’hui, le choix est simple. On préfère punir l’honnête citoyen ou celui qui est chargé de protéger ses concitoyens et de faire respecter la loi.
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Femme en Sécurité Privée
Si la femme a pu s’imposer dans pratiquement tous les domaines autrefois dévolus aux hommes, il en est un qui résiste, encore et toujours : la protection rapprochée.
Pourquoi ? Tout d’abord, parce que la profession est peu connue voire inexistante. L’image de la montagne de muscles est toujours vive dans les esprits. Les mentalités changent mais trop lentement. Lorsqu’il y a un reportage à tourner, certains journalistes ont besoin d’actions, de vraies personnalités. On imagine mal que cette profession ne puisse être avant tout qu’un long travail d’observation, de prise d’information et de préparation. Le reste, ce que l’on voit, n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Quelle est la place réservée aux femmes ? Il y a des places dévolues aux femmes. En effet, lorsqu’une autorité féminine doit se rendre aux toilettes, ne serait-ce que pour se repoudrer le nez, quel accueil sera réservé à l’étourdi qui y suivrait sa cliente ? Bonjour la discrétion ! Ou encore, dans le cas de la protection d’un enfant, garçon ou fille, là aussi, cette mission sera plus spécifiquement réservée à une femme.
Il faut toutefois bien spécifier qu’un agent, masculin ou féminin, ne devrait jamais travailler seul(e). Il y aura donc des éléments masculins pour l’aider dans sa mission.
Il y a des clients qui acceptent mal que la protection de leur ou de leurs épouses ne soient assurées que par des hommes. Et c’est dans leur culture.
Tout professionnel de la protection de personne recherche la discrétion. Avec un élément féminin, on a toutes les chances de la trouver. A moins, bien entendu, qu’elle ait fait partie de l’équipe de natation de l’ex RDA.
Mesdames, mesdemoiselles, n’hésitez donc pas à vous renseigner auprès des centres de formation et des professionnels de la sécurité privée. Ca ne coûte rien. Vous pourrez peut-être concrétiser votre vocation et vous remplirez de joie les chefs d’entreprises qui se cassent la tête pour trouver des agents féminins à intervalles réguliers.
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Finalité de la formation professionelle privée
J’ai visionné une bonne vingtaine de sites sur Youtube. Tous les formateurs expliquent qu’ils forment leurs stagiaires au tir de défense.
Je m’interroge ! En effet, sur l’un de ces sites, on peut voir un tireur au fusil effectuer un tir de longue distance. Ce genre de tir est réservé soit aux compétiteurs sportifs, soit aux tireurs d’élite des armées. Comment le formateur présente-il la finalité à ses stagiaires ? Dans quelles situations, le futur professionnel formé au tir à longue distance va-t-il mettre en application ses connaissances et son art? En admettant qu’il exerce dans le cadre de la protection embarquée des navires, pour la lutte anti-piraterie, va-t-il tirer sur des pirates se situant à mille mètres de son navire ? Je tiens à souligner que des agents italiens sont actuellement dans des prisons pour avoir tiré sur des pirates mais que les gardes-côtes indiens ont déclaré être des pêcheurs. Nous savons nous que ce sont les mêmes mais nos collègues italiens n’ont pas eu gain de cause. Alors, imaginez un tir à 1000, 100 ou même 50 mètres. Comment vont-ils justifier qu’ils ont été agressés et qu’ils se sont défendus dans le cadre très strict de la légitime défense ? Où se situe la notion de nécessité ?
Sur un autre site, on peut voir un individu arborant un dossard « police » tapant à tour de bras sur un mannequin. Certes ! il hurle « police » tout en tapant. Sur d’autres sites, les stagiaires sont entraînés à doubler, tripler leur tir de riposte. Que se passe-t-il si l’agression cesse lors de la première riposte ? vu le nombre de coups tirés, où est la logistique ?
J’ai exercé dans le domaine de la formation pour la protection rapprochée pendant plus de quinze ans. Je sais que beaucoup de mes stagiaires étaient prudents et refusaient tout ce qui ne servait à rien. Ainsi, à Paris, lors qu’un colloque concernant la protection rapprochée, à l’université Descartes, des membres du public tenaient à faire savoir qu’ils refusaient les offres de marchands de rêve, comme ils les appelaient.
Il y a l’offre, il y a la demande.
Lors d’une enquête, un agent impliqué dans une situation de violence par arme pourra alléguer que c’est la formation qu’il a reçue. Chacun est responsable de ses actes et doit assumer sa pleine responsabilité. Mais aujourd’hui, qui est responsable ?
L’Etat a accepté l’idée d’armer des agents de sécurité, qu’ils soient A.S.R. ou A.3.P. C’est un grand pas en avant. Mais nous devons garder à l’esprit ce qui se passe lorsque des policiers, des gendarmes ou des bijoutiers font usage de leurs armes. Il existe le cas d’usage des armes pour les membres des forces de l’ordre. Ils n’en abusent pas car on verrait moins de gendarmes blessés ou tués sur la route ou des policiers se laissent brûler vifs. Par contre, pour les bijoutiers, il en va autrement. La situation de légitime défense est complexe et peu connue. Il me semble que c’est là que devrait se situer l’effort de tous ceux qui font de la formation ou qui vont être armés.
Pour cela, notre Commission des Formations et des Stages a mis en place deux Référentiels de Formation pour les Formateurs agréés de la FFTPA. Ils feront l’objet d’une présentation particulière.
Fidèle à son éthique, la FFTPA prône le respect de la loi et le respect de la personne, quelle qu’elle soit.